| Résumé: |
Basé sur les données qualitatives issues d’entretiens avec 65 femmes tunisiennes, ce mémoire explore la pratique de l’espace public par les femmes à Tunis, notamment en interrogeant les limites qui y sont apposées et les stratégies développées par les femmes pour déjouer ces dernières. Cette recherche s’insère également dans une réflexion plus large sur le genre et l’agency des femmes — agency qui est fréquemment déniée aux femmes musulmanes dans la littérature en raison de leur religion, considérée comme inégalitaire et patriarcale.
Contrairement aux assertions sur la spécificité des sociétés musulmanes, fréquentes en Occident, les données qualitatives récoltées à Tunis sont concordantes avec les théorisations, principalement issues de chercheurs et de cas d’études sis dans des pays du Nord, tant au niveau de la construction genrée de l’espace — par la transcription des identités et des relations genrées dans l’espace, la construction sociale de la dangerosité de l’espace public et les violences effectives qui y sont expérimentées — que des stratégies mises en place par les femmes. Cette concordance dénote notamment de l’universalité des mécanismes au fondement des inégalités genrées, ainsi que de la nécessité de distinguer la religion, d’une part, et l’interprétation des textes religieux et leur instrumentalisation politique, d’autre part. Ce n’est en effet pas l’islam comme religion qui restreint les libertés des femmes par rapport aux hommes, mais bien certaines interprétations des textes religieux et leur instrumentalisation politique. L’étude de la pratique de l’espace public par les femmes permet également de souligner que les stratégies mises en place par ces dernières sont en dialectique continuellement mouvante avec l’agency et l’empowerment de ces mêmes femmes. |