| Résumé: |
À la suite de la création de Farm Sanctuary en 1986, de nombreux sanctuaires pour anciens animaux d’élevage ont vu le jour à travers le monde. Ces projets représentent un nouveau moyen d’action de la cause animale, en tant que lieux de vie permanents dédiés à des individus soustraits à l’exploitation ou aux mauvais traitements. Dans la littérature émergente qui s’y consacre, ils sont éclairés sous divers prismes tels que celui de l’agentivité ou des pratiques de care (et des dilemmes qui y sont liés, à l’instar de la question de la citoyenneté sacrificielle). Si ce sont les animaux accueillis qui résident au cœur des contributions existantes, ce mémoire avait pour objectif d’élargir la perspective en abordant les sanctuaires sous l’angle du débat qui oppose l’éthique animale et l’éthique environnementale depuis les années 1980, dans le sillon d’un article inaugural où J. B. Callicott insiste sur l’incompatibilité de leurs fondements théoriques (individualisme/holisme, domestique/sauvage) comme de leurs implications concrètes (intervention dans la prédation naturelle, préservation des espèces menacées, régulation pour le bien des écosystèmes). Pour ce faire, l’éthique personnelle des responsables de trois sanctuaires situés en Suisse romande a été investiguée, sur la base d’entretiens semi-directifs et à travers une analyse de contenu des propos consignés. Il s’est agi d’interroger leurs positionnements vis-à-vis de différents points de discorde issus du débat entre les deux champs éthiques, ainsi que de rendre compte de leurs pratiques relatives à l’environnement et aux animaux vivant à proximité. Les résultats obtenus montrent que les personnes enquêtées intègrent des préoccupations environnementales à leur démarche. En effet, il s’est avéré qu’en cas de conflit d’intérêts, ce ne sont pas systématiquement ceux des êtres sentients qui priment. De plus, une certaine valorisation intrinsèque de l’environnement – et non pas seulement instrumentale au sens où il contient des habitats – a pu être mise en évidence. Concernant les animaux « liminaires », selon la catégorie forgée par S. Donaldson et W. Kymlicka, l’on constate que les sanctuaires peuvent fonctionner, pour eux aussi, comme un refuge. En somme, le déplacement de la focale opéré dans le cadre de ce mémoire a permis d’avancer que les sanctuaires ne sont pas des bulles protectrices hermétiques, où seuls les individus recueillis importent, mais bien des lieux en interaction avec la nature environnante. |
Mémoire [1.4 Mo]